Qu'est-ce que la douleur chronique ?
L’International Association for the Study of Pain (IASP) définit la douleur comme "une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle ou décrite en terme d’une telle lésion."
Il existe deux grands types de douleur :
La douleur aiguë de courte durée, telle que la douleur post-opératoire, la douleur post-traumatique ou la douleur provoquée par certains actes et soins,
La douleur chronique rebelle comme les lombalgies et les céphalées chroniques, celle liée au cancer ou les douleurs neuropathiques en général.
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La douleur chronique se caractérise par une douleur localisée ou diffuse qui :
Cette douleur peut rendre la personne atteinte partiellement ou complètement incapable de réaliser ses activités quotidiennes. Les répercussions de la douleur chronique peuvent être ressenties tant au plan physique que psychologique, familial, social et économique. |
Quelques statistiques
Nous connaissons la souffrance des personnes dans les hôpitaux, en phase avancée ou terminale d'une maladie, ou pour les personnes âgées. Cependant pour les personnes qui souffrent de douleur chronique et qui ne sont pas atteintes d'une maladie grave ou incurable, cette douleur est méconnue, car "invisible".
Pour prendre conscience de l'ampleur de cette souffrance, voici quelques statistiques :
Une étude scientifique réalisée en 1996 montrait, qu'au Québec, la douleur chronique touchait 20% des hommes et 24% des femmes. Cela veut dire plus 1,5 million de personnes qui souffrent de douleur chronique au Québec...
Au Canada, en 2003, le Ministère de la santé de l'Alberta constatait une augmentation de 70% de l’incidence de douleur ou de malaise chronique, hausse à prévoir également au cours des 25 prochaines années, notamment à cause du vieillissement de la population.
Aux États-Unis en 1999, les coûts directs et indirects de la douleur chronique sont estimés à 125 milliards de dollars US par année.
Aux États-Unis en 2002, on évalue que le nombre moyen de jours d’absence du travail pour cause de douleur chronique est de 9,3 jours par an et de 16 jours pour les personnes rapportant des douleurs qualifiées de sévères.
D’après l'Enquête nationale sur la santé de la population canadienne de 1994-1995, au cours de l’année précédente, les personnes atteintes de douleur chronique grave avaient consulté un médecin plus souvent (moyenne : 12,9 vs 3,8 consultations) et avaient été hospitalisées plus longtemps (durée moyenne du séjour : 3,9 jours vs. 0,7 jour), que celles qui n’en souffraient pas.
Au-delà des coûts économiques directs qu’elle engendre, la douleur chronique impose des pressions sociales, psychologiques, familiales de grandes importances sur les personnes en souffrant et leur entourage.
Quand la vie bascule dans la douleur
Le témoignage ci-dessous, provenant du site de l'Association québécoise de la douleur chronique (AQDC), est intéressant car il est assez révélateur de ce que peut éprouver une personne souffrant de douleur chronique et en apparence en "bonne santé".
"À l’été 2000, j’ai commencé à ressentir une douleur sourde au bas du dos qui s’est installée graduellement. Au cours des 4 semaines suivantes, une sensation de brûlure et des spasmes occasionnels se sont étendus de mon dos à toute ma jambe gauche jusqu’à mon pied. En octobre, j’ai été hospitalisée pour une durée de 7 semaines à cause de douleurs extrêmement intenses dans mon dos et surtout, dans ma jambe et mon genou gauches. J’ai été traitée à l’aide de plusieurs types de médicaments et j’ai subi de nombreux examens (radiographies, IRM, analyses sanguines, etc.). Aucun diagnostic n’a été possible. En décembre 2000, comme j’étais incapable de prendre soin de moi-même, j’ai emménagé dans un centre de soins de longue durée. J’y suis restée seulement pendant quelques semaines — c’était trop déprimant —, puis je suis retournée à la maison, et nous avons pris des arrangements pour obtenir l’aide nécessaire. Pendant les 5 premiers mois de 2001, j’ai décidé de cesser de prendre tous mes médicaments et d’essayer des thérapies alternatives, telles que l’acupuncture, la massothérapie et la chiropractie. J’ai survécu à la douleur en prenant des Tylenol®, mais je pouvais à peine fonctionner à cause de mes douleurs aiguës et de l’anxiété que me causait le fait de ne pas connaître mon diagnostic. En juin, j’ai réussi à obtenir un rendez-vous avec un neurochirurgien de l’Hôpital neurologique de Montréal, qui a demandé une autre IRM d’urgence. Cette IRM a révélé l’existence d’une dépression de la moelle épinière et d'une calcification anormale des ligaments à T10-T11. J’ai subi une laminectomie et l’ablation de la calcification. Mon état ne s’est pas amélioré autant que nous l’espérions. Les progrès étaient très lents et s’obtenaient au prix de beaucoup de physiothérapie et de massothérapie. J’ai refusé de prendre tout narcotique, me contentant de prendre des Tylenol®, ce qui a fait en sorte que je souffrais constamment et que mes capacités étaient limitées. J’étais suivie par un psychologue. En mai 2002, j’ai finalement accepté d’essayer une dose graduelle de Neurontin®, à la suggestion du neurologue. Tout s’est très bien passé et j’ai présenté peu d’effets secondaires. Je prends maintenant 3200 mg par jour. La douleur est toujours présente, mais elle est plus supportable. Ceci m’a permis de devenir de plus en plus fonctionnelle. En septembre 2002, j’ai commencé à participer à un programme spécial au Centre du traitement de la douleur de Montréal avec le Dr Catchlove. Ce programme m’a appris à fonctionner avec ma maladie à la maison, au travail et dans les autres activités propres à une vie normale. En 2003, j’ai recommencé à travailler de façon graduelle, selon un horaire dont mon employeur et moi avions convenu au préalable. Puis, en mai 2003, j’ai démarré une nouvelle entreprise avec une partenaire, ce qui me permet de travailler selon un horaire flexible. Depuis janvier 2004, je représente les patients du Centre du traitement de la douleur de Montréal au sein d’un comité qui travaille à la reconnaissance de la douleur chronique."
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La détresse des personnes souffrant de douleur chronique
Les conséquences de la douleur
La douleur chronique est souvent localisée à un endroit précis (la tête par exemple pour les douleurs céphalées, les migraines), mais les conséquences sont multiples, notamment dues à la contraction musculaire :
Douleurs partout dans le corps,
Contraction soudaine ou paralysie de certains muscles,
Difficultés à respirer, sensation d'étouffement,
Impossibilité de dormir (à cause des douleurs musculaires), insomnies,
Grosse fatigue,
Fièvres, chaleurs, frissons,
Troubles de l'appétit, vomissements, constipation, diarrhées, etc.
Etc.
Les moindres petites choses de la vie peuvent être source de douleur : le stress, les disputes, le bruit, la lumière, etc.
La souffrance, la solitude et l'incompréhension
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Les personnes qui souffrent de douleur chronique vivent une très grande détresse. La première phase est l'incompréhension de ce qui arrive. L'état de santé se dégrade progressivement. La douleur affaiblit de plus en plus le corps physique et de nouveaux symptômes apparaissent car le corps lutte en permanence contre la douleur. Les analyses médicales se succèdent et rien n'est trouvé. L'angoisse, la peur de mourir, l'incompréhension : comment peut-on être aussi malade sans qu'aucune maladie grave ne soit détectée ?! Et c'est la vie sociale qui commence à en pâtir : impossibilité de travailler, impossibilité de sortir, trop grande faiblesse physique, grande fatigue, etc. Et puis c'est la détresse morale qui commence à gagner : la douleur affaiblie et aucune solution n'est proposée par les médecins... La douleur chronique agit partout, sur le moral, le physique, les relations avec les autres, avec les parents, les enfants, le conjoint. Il est difficile de toujours garder le même moral, de garder sa humeur, de garder son sourire. Il y a des jours où il est impossible de se lever du lit... Et c'est la culpabilité qui s'ajoute à la souffrance : culpabilité de rester au lit, culpabilité de dire non aux sorties, culpabilité de ne pas aller bien, culpabilité ne pas pouvoir aller travailler... Comment expliquer que cette douleur nous empêche de vivre normalement alors que nous ne pouvons l'expliquer aux autres (ni à nous-mêmes) par une maladie grave ? Il est difficile pour les autres de comprendre ce que vit une personne souffrant de douleur chronique : Un mal de dos ? Une migraine ? Ce n'est pas grand chose ! Une personne qui souffre de maladie chronique souffre en permanence. Elle passe une grande partie de son temps à essayer de vivre normalement en cachant sa douleur car personne n'a envie ni le temps d'écouter une personne qui est toujours malade et qui souffre en permanence. La plupart des gens n’aiment pas les personnes qui se plaignent tout le temps et c’est ainsi que la douleur isole et que la douleur morale s'ajoute à la douleur physique. |
La médicamentation
La médication vient en première place pour aider la douleur chronique... et c'est toute une étape !
Il faut souvent de longs mois et de nombreux essais pour trouver le traitement qui va permettre de soulager, du moins partiellement, la douleur. Le patient est un cobaye qui fait des tests jusqu'à ce qu'une solution potentielle soit trouvée. C'est la plupart du temps une longue phase d'espoirs et de déceptions qui commence, avec des améliorations et des rechutes.
Il est aussi important de mentionner que plusieurs médicaments donnent des effets secondaires (on pourrait mentionner que les principaux effets secondaires sont les nausées et la somnolence) avec lequel le patient va devoir composer en plus de sa douleur et de sa détresse morale.
On peut noter aussi le fait que le patient pourra vivre des phases ou des dangers de dépendance vis-à-vis des médicaments.
Une médicamentation qui fonctionne aujourd'hui ne fonctionnera peut être plus dans quelques mois ou quelques années, et il faudra augmenter les doses ou trouver un autre traitement. La douleur, cette grande inconnue, ne se laisse pas apprivoiser facilement !
Il est fréquent que les patients doivent prendre des anxiolytiques ou des antidépresseurs en plus des médicaments qui calment la douleur. La douleur cause un tel stress sur le corps physique que les médicaments peuvent aider pour décontracter les muscles.
Lorsque la douleur chronique se fait sentir depuis plusieurs mois voire plusieurs années, il peut être nécessaire de suivre une thérapie pour aider à soigner la douleur intérieure.
Un autre témoignage provenant du site de l'Association québécoise de la douleur chronique (AQDC)
"La douleur chronique, je connais. Atteinte du Burning mouth syndrome aussi nommé Glossodynie essentielle ou bien syndrome de la bouche brûlante, depuis près de cinq ans. Dans mon cas c’est tout le coté droit de ma bouche et la langue qui brûle. La douleur est toujours présente et lancinante. Il n’y a aucune lésion apparente, donc difficile à diagnostiquer. La douleur est présente à mon réveil et s’amplifie durant la journée, pour devenir insupportable le soir. Elle est aussi aggravée par la parole. Le contact de ma langue sur mes dents est un véritable calvaire, comme si je mettais ma langue sur un feu ardent. C’est pourquoi au fil des cinq dernières années, j’ai fait extraire quatre dents la dernière étant la il y a quelques jours, mais malheureusement cette intervention n’a pas réglé le problème. J’ai vu plusieurs médecins et spécialistes, qui n’ont rien pu faire pour moi jusqu’à présent... Au début, on m’a même transféré en psychiatrie, en désespoir de cause, car lorsque j’ai voulu me faire enlever des dents, on me disait irrationnelle et on croyait que je voulais me mutiler. J’ai essayé une panoplie de médicaments autant chimiques que naturels. J’ai aussi fait le tour des médecines alternatives, aussi sans succès. Ayant été traité un an auparavant, le début de ce mal pour dépression et anxiété, avec des antidépresseurs, je me demande si il y a là un lien, je ne sais pas. Ces états de dépression et d’anxiété perdurent toujours et sont augmentés par cette douleur constante. J’ai du diminuer mon temps de travail, car comme je le mentionnais plutôt, la parole accentue la douleur et mon travail implique que je dois parler beaucoup au téléphone. Le plus difficile dans cette douleur chronique, c’est qu’elle est invisible et qu’il nous est presque impossible de décrire exactement le mal à notre entourage. Si bien qu’on ne comprend pas et qu’on nous voit comme des malades imaginaires. La douleur est bien réelle et elle nous gâche la vie. Moi qui étais une personne vivante et pleine d’énergie, me voilà aujourd’hui réduite à vivre non seulement au jour le jour, mais bien une heure à la fois. Je n’ai plus de projet et il m’est impossible d’organiser quoi que ce soit, car ne sachant jamais comment je vais être. Je dépense une énergie folle à vaquer à mes occupations quotidiennes et à faire comme si de rien n’était, car comme le mal est invisible et que personne ne peut le voir, les personnes qui me côtoient pensent que je suis bien correcte. Le soir venu, je suis épuisée. Je me couche tôt, car c’est le seul moment où je n’ai pas de douleurs c’est lorsque je dors. Je suis devenue avec le temps, l’épouse, la mère, la sœur et l’amie la plus plate en ville. J’ai l’impression d’être prisonnière de ce mal qui ne fait qu’entretenir mon état dépressif et anxieux. Cela devient un cercle vicieux, je souffre de crise d’angoisse à l’occasion. Le désespoir m’envahi souvent et parfois j’ai des idées noires. Cette maladie étant une maladie orpheline, c’est à dire qu’aucune recherche médicale n’est vraiment faite à son sujet et bien nous sommes pris avec ce sentiment d’incompréhension face à notre situation. Nous sommes à la recherche constante d’une solution, ce qui, quelques fois, nous fait passer pour des obsessifs. Heureusement que le psychiatre que j’ai rencontré dans la deuxième année a bel et bien confirmé que ce n’était pas dans ma tête. Qu’il n’y avait pas de maladie mentale qui donnait mal dans la bouche. Heureusement, mon conjoint m’accompagnait et j’étais contente qu’il entende cette réponse. C’est rassurant de se faire dire qu’on n’est pas folle quand on commence à croire sincèrement qu’on l’est. Nous sommes maintenant en janvier 2007 et je souffre toujours. Ces années passées à endurer cette douleur est la chose la plus éprouvante que j’ai eu à traverser dans ma vie et elle l’est toujours. Elle m’a privée d’être heureuse et de profiter de la vie. Pour l’instant, j’ai deux beaux grands enfants qui sont ma raison de vivre, je dois continuer... Manon
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La compassion
Par cet article, mon souhait est de sensibiliser à la douleur chronique qui est méconnue et qui pourtant peut être dévastatrice.
Abandonnons notre indifférence et ayons un peu plus de compassion dans notre vie pour les personnes fatiguées, les personnes malades, celles qui vont moins vite et qui retiennent moins, etc. La compassion est le sentiment par lequel on est porté à percevoir ou ressentir la souffrance des autres, et essayer de faire quelque chose pour la rendre plus supportable. Le mot compassion provient du latin "cum patior" signifiant "je souffre avec".
"Celui qui souffre a droit à
la compassion de son ami,
Même quand il abandonnerait la crainte du Tout Puissant."
Job 6:14
Pour en savoir plus
Société Française d’Étude et de Traitement de la
Douleur (SFETD)
http://www.sfetd-douleur.org/
Association québécoise de la douleur chronique (AQDC)
http://www.douleurchronique.org/
Par YellowGirl, le 7 décembre 2009
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