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"J'ai très mal au travail"

Vidéo # 1482 en Français () insérée le Dimanche 6 Juin 2010 à 2h 46m 36s dans la catégorie "Économie, Commerce, Entreprises, et Travailleurs"

Durée : non renseignée


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Cette vidéo est un film documentaire de Jean-Michel Carré sur le travail en France.

Objectivement mais non sans ironie, Carré dresse tout au long du film le tableau d'une déshumanisation presque totale du monde du travail : peur du chômage, isolement dans l'entreprise, compétition avec les collègues… tout ce qui, en fait, réduit doucement mais sûrement l'individu à « sa seule dimension économique ».

Par un montage habile de témoignages alarmants (travailleurs, sociologues, thérapeutes), de pubs édifiantes et d'extraits de films cocasses, « J'ai (très) mal au travail » fait l'effet implacable d'un film d'horreur. On sort de là affolés, bousculés dans notre torpeur ambiante et désireux de réagir, même à petite échelle.

Source : Internet.

Le point de vue de "Courrier Courrier International" : 

Le dernier film documentaire de Jean-Michel Carré, J'ai (très) mal au travail, n'est pas vraiment un film à voir un dimanche soir - comme je l'ai fait - pas un film qui vous donne de l'entrain pour la semaine, autant le dire d'emblée.

Jean-Michel Carré y aborde de nombreux aspects du travail salarié dans le secteur privé - industriel et tertiaire - à travers les analyses d'intervenants de divers horizons (psychologues, sociologues, politologue, avocat spécialisé en droit du travail, responsable du medef, salariés, anciens salariés). L'ensemble forme une vision cohérente, par effet de montage, celle, engagée, de Jean-Michel Carré, bien connu pour ses films dits "sociaux" (notamment sur la prostitution dans les années 90, et plus récemment sur Métaleurop).

Comme son titre l'indique, le constat n'est pas vraiment réjouissant. Il est certes difficiles d'évaluer quantitativement la souffrance née du travail, mais le nombre de pathologies physiques et mentales est en augmentation nette depuis quelques années.

Le film de Jean-Michel Carré livre de nombreuses pistes d'interprétation de ce mal au travail. Déshumanisation de l'entreprise qui exige parfois d'agir comme un bon petit soldat et d'abdiquer une part de soi (le témoignage d'un ancien vigile d'hypermarché, qui en a fait un livre, est édifiant), disparition des frontières entre travail et vie personnelle (les salariés se mettent par exemple à être évalués même sur leurs qualités humaines), rythme effréné qui crée une dépendance au stress et supprime la hiérarchie entre ce qui est important et ce qui l'est moins, solitude des salariés - défaut de socialisation qui nous dépossède d'une partie de nous-mêmes, et qui conduit à régler les conflits en dehors de l'entreprise, par le biais de la justice, de plus en plus souvent (où sont passés les syndicats, les délégués du personnel, les médecins du travail? aucun ne semble parvenir à jouer son rôle comme il le devrait).

Le film brosse un rapide historique du travail comme dépossession de soi, du taylorisme au fordisme, et jusqu'au management moderne, que Paul Ariès, qui intervient dans le film, nous invite à considérer comme une véritable idéologie, et non seulement un ensemble de techniques. Le concept-clé est celui de "servitude volontaire", qui semble caractériser notre rapport au travail. Nous ne sommes pas des esclaves, et pourtant nous acceptons d'aliéner une part de nous-mêmes. Certains font même du zèle, allant plus loin qu'on ne le leur demande, tels des Eichmann du capitalisme, qui font passer les règles et les instructions avant l'interrogation éthique et morale. Si Montaigne avait su que la "servitude volontaire" inventée par son vieil ami La Boétie connaîtrait une telle fortune plusieurs siècles plus tard, il aurait à coup sûr été encore plus fier de lui qu'il ne l'est dans ses Essais!

J'ai (très) mal au travail est un film riche qui donne à penser. Il sensibilise à de nombreuses questions, parfois à peine abordées, faute d'espace et de temps (engager une véritable réflexion sur le travail en 1h30 tient de la gageure), un film qui mérite d'être complété par des lectures.

Néanmoins, était-il nécessaire de ponctuer le propos de clips, extraits de films, de pubs tous en rapport avec le monde du travail? J'avoue que mon esprit a systématiquement décroché à ce moment là: ce rapport au temps sur le mode de l'urgence, que nous subissons quotidiennement, était-il bien opportun de l'imprimer aussi à ce documentaire excessivement saucissonné? Ne pouvait-on pas écouter plus longtemps parler les intervenants sans être interrompu par du burlesque? Ce mélange de style n'est pas de très bon goût et affaiblit le propos. Est-on obligé d'assaisonner toute parole sérieuse d'une sauce comique, histoire de faire passer la pilule et de ne pas paraître rébarbatif? Le spectateur qui paie sa place de cinéma pour aller voir un documentaire n'a pas besoin de mélange indigeste. Là, je dis : carton rouge.

Sur ce plan-là, le film documentaire sur la souffrance au travail Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés de Marc-Antoine Roudil et Sophie Bruneau, sorti en février 2006, me paraît indéniablement plus réussi, justement parce que la réalisation fait le pari de la simplicité absolu, installant un dispositif des plus basiques: l'enregistrement de quatre consultations de salariés en grande souffrance par une unité médicale spécialisée. C'est sur la longueur que ces entretiens se révèlent extrêmement parlants et qu'on arrive à comprendre les mécanismes d'oppression dans le monde du travail. L'intelligence des spécialistes de cette unité, leur analyse lors d'une réunion de concertation, en fin de film, apporte un éclairage sidérant sur les évolutions qu'ils constatent, le diagnostic qu'ils portent et les moyens de remédiation qu'ils envisagent. C'est un film juste dans le ton adopté, qui assume ses parti-pris sans travestissement maladroit, pose des questions à partir de cas concrets, de témoignages d'hommes et de femmes blessés. Parmi la longue liste des films documentaires sur le travail, celui-ci reste pour moi indépassable.

Mais ne soyons pas trop sévère avec le film de Jean-Michel Carré, il a le mérite de poser beaucoup mieux le problème que les deux films gloubi boulga de Pierre Carles, pourtant plus médiatisés, Attention danger travail et Volem rien foutre al pais, beaucoup trop simplistes, et dont la pertinence est brouillée par la fascination mal assumée de Pierre Carles pour les marginaux et son évidente absence de recul, qui confine parfois à la puérilité et à la mauvaise foi.

Source : Le meilleur des mondes (), un blog de "Courrier Courrier International".

Le point de vue du journal "Le Monde" :

Le travail documentaire de Jean-Michel Carré, qui a commencé sa carrière dans le cinéma militant, se nourrit depuis de nombreuses années des grands problèmes de société, depuis la vie dans les prisons jusqu'au statut de la prostitution. Il s'attaque aujourd'hui à un problème de plus en plus souvent évoqué ces dernières années : la mutation des conditions de travail et les conséquences souvent délétères, parfois tragiques, qu'elles revêtent dans la vie des hommes. Ce téléfilm, qui a été diffusé dans une version sensiblement différente en octobre 2006 sur Canal+, trahit son origine en recherchant avant toute chose la clarté du message et l'efficacité de la démonstration.

Sur ce plan, il ne décevra pas. Un montage très serré fait ainsi se succéder à cent à l'heure des victimes du travail et des spécialistes de la question (du politologue Paul Ariès au psychanalyste Christophe Dejours), pour finir par constituer un tableau assez accablant des conditions de travail dans notre société. Destruction des formes de solidarité collective, solitude et mise en concurrence des salariés, système d'évaluation permanents et encouragement de la délation, recours à des techniques de management qui occultent l'individu au profit du seul rendement qu'il peut produire : tout concourt, semble-t-il, aujourd'hui à déshumaniser le monde du travail, à le priver de la richesse et de la créativité qu'il peut idéalement receler.

Le résultat de cette politique, qui s'applique désormais à tous les échelons de l'entreprise, consiste en un accroissement exponentiel des pathologies du travail, depuis la dépression chronique jusqu'au suicide. Entre les discours des intervenants, le réalisateur glisse ainsi régulièrement dans son film des informations statistiques qui s'inscrivent froidement sur l'écran et qui font, de fait, froid dans le dos.

Après Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil (documentaire sorti en février 2006) ou la récente fiction de Nicolas Klotz, La Question humaine, le monde du travail semble donc devenir la plate-forme d'observation privilégiée des grandes mutations sociales et économiques contemporaines. La chose est si vraie pour le psychanalyste Christophe Dejours qu'il n'hésite pas à constater, en reliant cette problématique à la situation dramatique des banlieues, que notre société serait de nouveau entrée dans une "période de décadence".

Source : Le Monde ().

La critique :

Étymologiquement, le mot travail est issu de trepalium, dérivé de trepaliare qui signifie “torturer”.

La Boétie était un visionnaire car, en témoigne ‘J’ai (très) mal au travail’, le ‘Discours de la servitude volontaire’ est toujours d’actualité. Depuis quatre siècles, les tyrans ont changé de visage, mais les assujettis demeurent leurs propres bourreaux. Ce documentaire aborde avec pertinence le thème de la souffrance au travail, et des raisons de l’acceptation de celle-ci. Faisant intervenir différentes professions allant de l’ouvrier au psychanalyste, Jean-Michel Carré dénonce avec humour l’universalité d’un problème polymorphe, offrant différents points de vue nécessaires à une vision d’ensemble. L’emblème du documentaire est ce cadre anonyme qui personnifie l’homme-machine, un écran d’ordinateur à la place de la tête. Ce processus de déshumanisation au sein de l’entreprise est servi par la peur de perdre son emploi, qui favorise l’exploitation volontaire de tous. Les nombreuses incursions publicitaires désamorcent le tragique qui affleure quand on chiffre cette souffrance. L’idéologie taylorienne qui préconise la bovinisation des êtres est remarquablement montrée par ces plans en plongée dans le métro, entre deux machines saccadées, qui ne sont pas sans rappeler les plans de ‘Baraka’. Se pose donc, mordante, la question du choix : être ou avoir ?

Un documentaire drôle et dérangeant, d’une intelligence rare, à voir absolument.

Source : http://www.evene.fr/cinema/films/j-ai-tres-mal-au-travail-4040.php ().

Cette vidéo n'a pas encore été complètement évaluée, mais s'annonce déjà comme très intéressante.


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